Va te faire boire ! Faut-il oser la rupture sur le design d’une étiquette d’une bouteille de vin ?

Une bonne étiquette de vin fait vendre plus de bouteilles

Sur le blog qu’il partage avec Muriel Bessard, l’animatrice de l’émission « Millésime » sur France 3 Bourgogne, le journaliste Lilian Melet rappelle l’importance de l’étiquette de vin dans l’acte d’achat dans les linéaires de supermarché : « commandée par une société spécialisée dans l’impression d’étiquettes, cette enquête nous apprend que l’amélioration d’une étiquette peut faire augmenter les intentions d’achat de 10%, et qu’à l’inverse, une mauvaise conception peut les faire baisser du même pourcentage… »

L’originalité a du mal à percer sur les étiquettes de vin

Franck Celhay et Juliette Passebois de l’équipe de recherche en marketing de l’IRGO (erm-IRGO) au Pôle Universitaire des Sciences de Gestion – Université Montesquieu Bordeaux 4 ont mis en ligne une étude intéressante sur le design des étiquettes de vin : « sachant qu’un rayon vin peut compter jusqu’à plusieurs centaines de marques, et connaissant les restrictions imposées par la loi Evin en termes de communication, il est possible de se demander pourquoi les opérateurs français ne semblent pas utiliser tout le potentiel de la variable « design du packaging » pour se différencier en rayon et ainsi simplifier le processus de choix du consommateur ? »

 

Un consommateur très conservateur en matière de vin

« Le consommateur français, qu’il soit jeune vieux, expert ou novice, demeure très conservateur en matière de vin et préfère les bouteilles les plus classiques en termes de design. De ce fait il est particulièrement difficile de sortir des codes visuels de sa région d’appellation : « beaucoup de consommateurs de vins restent attachés à la tradition, même parmi les jeunes et les femmes. Les étiquettes avec gravures, blason, médailles, dorures à chaud restent des valeurs sûres. Ces habillages sont considérés par les consommateurs, notamment peu initiés, comme « rassurants » selon les professionnels du marketing » (Viti-net, 2008). Michel Bettane se dit d’ailleurs « très inquiet de la multiplication des étiquettes déjantées ou décalées qui substituent un jeu de mot, une image, un message de défi ou de révolte à l’indication de l’origine quand par ailleurs ils s’appuient sur elle et prétendent que leur vin en présente la définition la plus exacte et la plus naturelle. »

Certains vignerons osent les étiquettes décalées pour se démarquer

Malgré le conservatisme du marché, des vignerons ont pourtant décidé d’oser l’originalité et l’humour pour tenter de se faire remarquer autant dans le nom donné au vin que dans l’esthétique de l’étiquette. Et cela plait si l’on en juge par le succès de l’article de Rue 89 « les dix vins les plus LOL de France » vu par plus de 60.000 internautes. On y apprend la crainte légitime de ces vignerons qui bousculent les traditions comme Mathias Marquet par exemple : « Au moment de décider les noms des cuvées, on a toujours le dilemme de savoir si ce vin qui s’appelle « Va te faire boire » ou « C’est l’heure du bib pépé » , ne va pas nous fermer des portes. On est tiraillé entre se faire plaisir, se marrer, et satisfaire le besoin d’élégance, de sérieux, des gens du monde du vin… Le vin dans la mentalité traditionnelle est une affaire de classe. Le symbole du luxe français. »

Commentaires

  1. C’est une question en fait beaucoup plus complexe que le résumé qu’en font les « experts » en marketing. De quel vin parle-t-on? Celui des pousse-caddies, à 2,37€ la bouteille? Celui des restaurants (et encore, lesquels?)? Celui des cavistes branchés?
    En matière de vins de grande surface, avant le consommateur, celui qu’on doit « rassurer », c’est le technico-commercial à chaussures pointue, qui ne veut pas bousculer ses habitudes et qui voit la vie comme un tableau de bord de Laguna. Plus encore que le consommateur, c’est lui qui ronronne.
    Pour le reste, le vin de vigneron, je crois que tout est dans la tête de ce même vigneron: la « meilleure » étiquette sera celle qui lui plaira à lui, celle qu’il arrivera à vendre sans forcer sa nature, qui correspondra à ses références culturelles, à son goût, à son histoire du vin. Personnellement, comme il m’arrive de commettre quelques étiquettes, c’est pour moi la première chose qui compte, que celui qui fait le vin soit « à l’aise » avec sa bouteille, que ça colle aussi avec le contenu, la cohérence.
    Comme en matière de vin, il y a de la place pour tous les styles. Car, n’en déplaise à Michel Bettane, (qui décidément est en train de virer monomaniaque), oui, on peut transgresser. C’est ce qu’à fait Philippe de Rothschild en 1924 en imposant la mise en bouteilles à la propriété à un négoce racorni et bidouilleur, c’est ce qu’il a fait ensuite, à partir de 1945. À cause de lui, beaucoup de vieilles personnes ont du être « très inquiètes de la multiplication des étiquettes déjantées ou décalées » … Keith Haring sur une bouteille de vin, quelle transgression!…

  2. Tout est une question de segmentation. Segmenter, c’est accepter de ne PAS plaire à tout le monde !
    LE consommateur n’existe pas, LES consommateurs ont des goûts, des préférences, des attentes qui dépendent de tout un tas de facteurs (age, sexe, type de consommation, niveau d’implication avec le vin, etc…)
    C’est la base du marketing, et cela s’applique au vin comme à n’importe quel autre produit.

  3. Eh bien, non, Vincent, pas matière à fâcherie. MB est à sa place dans son discours, comme tu es à ta place dans le tien. J’adhère pour partie aux deux, ce ne sont pas des discours à ce point contradictoires.
    Pour ce qui concerne ce qui nous occupe ici, chez François, je trouve que tu dis très justement que les mecs doivent être à l’aise avec ce qui les représentent. C’est vrai d’une étiquette, d’une annonce de pub, d’une paire de pompes (même pointues), d’un fromage qui pue, etc. L’étiquette de Mathias lui ressemble, c’est très bien, il est content, viva la vità.
    Et les acheteurs de GD, c’est comme dans la vraie vie, ya des endormis, des qui s’en foutent, des qui adorent ça. Je connais des hypers avec des rayons vins dingues (adresse sur demande accompagnée d’une lettre de motivation) qui justifient cinqante bornes dans chaque sens et d’autres juste nuls.
    Et je connais même des acheteurs qui roulent pas en Laguna, visiblement. Je peux dire les noms aussi.

  4. C’est chiant quand tout le monde est d’accord!

  5. Tu me connais, je suis un militant du consensus

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