Les pieds dans la glace, les mains dans les poches et la tête dans la lune
Drôle d’auto description que donne de lui-même David Large sur son blog. Si on y ajoute la boxe thaïlandaise et le pancrace, la photographie, la vigne, voilà un mix détonnant pour un futur jeune vigneron de 25 ans en Beaujolais. La récolte 2011 fut la dernière pour ses parents et il a décidé de continuer d’exploiter en bio et biodynamie les parcelles du «Virage» et du «Fournel» classées en Beaujolais, plantées en 1971 et possédant une partie en vieilles vignes.
J’ai réussi à prendre mes parents en photo…
« Je voulais être sportif, poète, écrivain, clown et peintre « comme maman», vigneron «comme papa»…J’adore la photo…Ça fait partie intégrante de ma vision du vin, la même finesse, le même instinct, le même facteur «chance», qui te force à rester humble…Une méchante panne sur mon appareil au moment du passage des alliances ou une bonne grêle la veille des vendanges, c’est la même chose. »
Maintenant je dois oser les prendre le plus souvent possible dans mes bras…
« Que ce soit en tant qu’éducateur de boxe thaïlandaise, photographe ou vigneron, j’aime le contact avec les gens, discuter, partager…Finalement, la richesse se trouve dans les choses simples. J’ai réussi à prendre mes parents en photo…Maintenant je dois oser les prendre le plus souvent possible dans mes bras. C’est ça le plus important après tout…la famille. »
Je compte sur la discipline, la régularité, la foi et l’instinct. Seuls les efforts paient.
« Après le BPREA viti-oeno (Brevet Professionnel Responsable d’ Exploitation Agricole), je compte bien intégrer une formation de sommellerie. Je goûte plein de nouvelles choses…Rouges, rosés, blancs, crémants, cognacs, armagnacs. Je regarde qui l’a fait, comment, avec quoi, pourquoi, dans quelles conditions. J’ai faim d’apprendre et de découvrir. Je ne suis pas ingénieur, je dois donc être ingénieux. J’écoute les conseils des anciens, des vieux briscards, je me déplace voir des vignerons comme les Dauvissat. Je vais chercher d’autres techniques dans les livres, les articles… et je compte sur la discipline, la régularité, la foi et l’instinct. Seuls les efforts paient. »
L’erreur du système est de faire croire que le paysan est un manager, un chef d’entreprise
« La comptabilité, le marketing, le management, la communication m’ennuient… dans l’idéal je ferais ma compta avec un calepin, mes finances dans une vieille boîte à chaussures et ma communication avec une poignée de main, un havane et un verre de rouge…L’erreur du système est de faire croire que le paysan est un manager, un chef d’entreprise etc. »
Pour moi vin et photo vont de pair. C’est inséparable !
« La photo a modifié ma vision du vin, c’est en quelque sorte ma vitrine. Pour moi vin et photo vont de pair. C’est inséparable ! Pour le vin, je pense avoir mûri, 2 choix se profilent : un grand avenir de caissier en supermarché ou reprendre des vignes le coeur léger et avec sagesse. J’ai aussi rencontré Matthieu Barret à Cornas qui m’a conseillé, fait voir d’autres choses. Un des rares que j’ai croisé qui m’a offert des bouteilles de sa production après mon stage…
Je ne veux plus stresser à me servir de produits phytos
« Je choisis le bio et la biodynamie parce que j’ai le syndrome de Raynaud depuis 2005… que je me pose des questions sur l’avenir. J’ai la chance d’avoir une femme qui m’écoute et qui me soutient dans mes démarches ; on aimerait une vie simple à la campagne, je ne veux plus stresser à me servir de produits phytos… Je doute d’ailleurs de leur efficacité, c’est une réalité sur le terrain et puis finalement, j’ai juste envie de refaire ce que mon grand père faisait déjà. »
Un Rouge à offrir au beau père… quand tu iras demander la main de sa fille
« Si tout se passe bien, je ferai un vin blanc… celui des amoureux, celui que tu boiras avec ta fiancée sur un pique nique à la volée dans les bois, et je ferai un Rouge à offrir au beau père… quand tu iras demander la main de sa fille. Ou le rouge que tu ouvriras quand tu signeras ton premier contrat, ton chèque pour ta première voiture… Le rouge des petites victoires. Et si en plus je fais aussi bien que mon père, alors je suis sur la bonne voie. »
Beaujolais : Si rien ne se passe, les meilleurs terroirs seront en friche
« Si rien ne se passe, les meilleurs terroirs seront en friche ( c’est déjà le cas), en lotissements ou rachetés par des investisseurs peu scrupuleux. Tout ceci aura pour conséquence l’annihilation totale des agriculteurs ou viticulteurs qui tentent de survivre. Voilà ma vision dramatique. Je crois que le Beaujolais a oublié son héritage des Canuts, 1831 et ses «Vivre libre en travaillant ou mourir en combattant».
Le Beaujolais Nouveau m’entrave et me fatigue
« Le Beaujolais Nouveau m’entrave et me fatigue. Les consommateurs s’en lassent, on le voit sur les soirées de dégustation… On sait faire des vins de Garde, des vins blancs, des rosés, des crémants. On a des crus, des beaujo bio, biodynamiques… Parlons-en. Appelons les talents de créateurs, dessinateurs, graphistes, cinéastes, sommeliers, journalistes, blogueurs…Soyons innovants. Le beaujolais est mal vu. Le Beaujolais paye son arrogance des années faciles au prix fort. »
Mon Beaujo est un melting pot socio-culturel
« Mais on a changé, je ne veux plus être tributaire des erreurs des autres générations. Mon Beaujo est un melting pot socio-culturel en vendanges (algériens,manouches, turcs, polonais,bulgares, vagabonds, punks, étudiants…) Il n’y a plus que dans cette région qu’on peut trinquer ensemble. Le Beaujolais restera toujours un vin populaire et c’est ce qui fait aussi sa force. On casse encore la croûte à la vigne tous ensemble, et tout le monde est le bienvenu. D’une certaine façon, je me vois plus comme un torréfacteur artisanal. Dorénavant je ne m’excuserai plus de venir du Beaujolais. Et puis ne dit-on pas « les derniers seront les premiers»?
Vidéo réalisée pendant une année par David Large
J’aime ta jolie façon de dire les choses et ton talent à nous les faire connaitre.